Nettoyage de Printemps
Petite, Zora détestait les jours de ménage. Si elle ne parvenait pas à s’échapper, ces journées étaient éprouvantes, mais si en revanche, elle trouvait une échappatoire alors, là, tout était différent.
Elle se rappelait encore avec amusement les femmes qui sortaient des roulottes, manches relevées, sourcils froncés, prêtent à mettre le campement sans dessus dessous, pour préparer la venue des beaux jours.
Alors que les oiseaux piaillaient, que les enfants criaient, babillaient et que les hommes fuyaient le courroux de leurs dames en allant à la ville, Zed et Zora partaient main dans la main, trouver une cachette digne de ce nom. Leurs pas les éloignaient de plus en plus de la partie habitée du terrain et les appels des mères se faisaient entendre, alors, la petite gitane pressentait que le retour serait houleux et qu’elle ne sortirait pas indemne de cette escapade. Mais qu’importe !
Qu’il était divertissant de voir les draps accrochés sur les étendoirs, de roulottes en roulottes ! Ils créaient un zigzague absurde, les couleurs bigarrées se confondaient et donnaient au campement une dimension magique. Les cendres du Grand Feu étaient déposées près de la forêt et avec Zed, ils aiment, la nuit tombée, courir sur le tas, laissant ainsi les volutes de poussière s’évaporer dans l’obscurité. Après cette journée éreintante, couverte de suie, Zora revenait dans les bras de sa mère, se laissant gronder, mais souriant tout de même, heureuse d’avoir vécu de si belles aventures.
C’est ainsi, que bien qu’elle ne puisse pas les voir, Zora devina avec facilité le visage de Florent et Prosper. Visage qu’elle avait quelques années auparavant, alors qu’elle se trouvait à leur place, contrainte de faire la chasse à la poussière.
Le quartier général des admins avait été installé dans la maison de Florent, contre son gré, évidement. Le jeune homme, de toute façon n’avait guère son mot à dire dans cette histoire. Prosper avait parlé et la parole de Prosper est d’or. C’est ainsi, que le pauvre et asocial Florent avait un jour vu débarqué dans son abri, un magicien farfelu et une gitane encombrante. Depuis, pour le meilleure et surtout pour le pire, les trois compères avaient fait un bon bout de chemin ensemble.
Mais aujourd’hui, Zora devinait que l’herboriste devait sérieusement songer à fuir sa propre demeure. La sentence était tombée : « MENAGE DE PRINTEMPS : SORTEZ VOS CHIFFONS, VOS BALAIS. »
Elle imaginait leurs visages atterrés : elle savait que le vieux magicien avait prévu de jouer au croquet avec le roi d’Ingary mais qu’importe, aujourd’hui il brandirait le balais à la place du maillet ! Quant à Florent, pour une fois, il déposerait ses précieux livres dans un coin, abandonnerait cet air revêche et, avec sourire, s’attaquerait à celle qui avait été si longtemps sa seule amie : la poussière.
Zora brandit un chiffon tout en fredonnant : après tout la vie est belle, les oiseaux brillent et le soleil chante.
-Crénom ! Je veux jouer au croquet, moi !